« Je vais partir. » « Quoi ? Mais t'es trop con. C'est maintenant que tu veux partir, alors qu'elle a le plus besoin de nous ? » « Je sais ce que je fais. Et je ne peux pas rester là à la regarder, sans rien faire. J'en ai pas la force, tu comprends ? » « Et qu'est ce que ça changera pour toi de fuir ? » « Au moins, je ne saurais jamais si elle nous a quitté. J'aurais toujours le doute. Elle sera toujours vivante pour moi... »
C'était en deux-mille sept. C'était leur dernière conversation. C'était la dernière fois qu'ils se voyaient. La dernière fois qu'ils étaient réunis.
Et pourtant, rien ne prédestinait ce duo à se séparer. Ils étaient voisins, il avaient fait les quatre cent coups ensemble depuis certainement les couches culottes. Mais ce passage là, celui de l'enfance, à vrai dire, n'est pas très intéressant. Ils étaient amis, puis sont devenus des adolescents, et n'ont rien fait que d'autres ados n'ont jamais tenté : cigarettes, fêtes, drogue, alcool, baise, lycée. Bref, la routine. Pour comprendre au mieux leur relation actuelle, il faut retourner un certain 8 avril 2007. Une fête parmi tant d'autres, avec des amis parmi tant d'autres, et de l'alcool à flots. Ils étaient tous trois présents. Allie et Indies sortaient ensemble depuis presque un an, fous l'un de l'autre. Il était bourré, elle était en état de conduire. Après une longue et laborieuse argumentation, la jeune fille réussit à convaincre son petit ami de la laisser conduire sa voiture. Ils avaient le permis depuis peu, tous deux. Il en fallut de peu pour ruiner une beau début de vie. Un camion et un carrefour sans grande visibilité. Le monstre leur rentra dedans. Indies s'en sorti avec un poignet cassé et de nombreuses égratignures. Allie, elle, était tombée dans le coma.
Aleyria, c'était la soeur de Lennox. Seulement deux ans d'écart, une relation fusionnelle. Il n'en veut pas au jeune homme pour l'accident, mais aurait espéré qu'il reste à ses côtés pour espérer la voir sortir de l'hôpital. Il a tout perdu ce jour là : la joie de vivre de sa petite soeur et la présence de son meilleur ami.
Depuis, Indies n'a plus aucune nouvelle ni de l'un, ni de l'autre. Et bien qu'il pense énormément aux deux, il n'envoie des lettres qu'à la jeune fille. Quotidiennement. Des lettres qu'il espère la voir lire, et il prie pour qu'elle se soit réveillée... qu'elle soit encore en vie. Sans nouvelles, comme il le souhaitait à l'époque, il continue aujourd'hui à penser à elle comme si elle était encore parmi eux, sans savoir si oui ou non, elle est de ce monde.

Tiré d'une conversation dans un bar entre Indies et un jeune barmaid, Florence, Italie ;
« J'avais un très bon ami autrefois. Non pas que je ne pense pas à lui. Chaque jour, j'envoie une lettre à sa soeur ; ce serait donc mentir que de dire que je n'ai jamais aucune seconde à lui consacrer. Ce qu'il y a, c'est que j'ai l'impression qu'il m'en veut d'être parti comme ça. Et je lui en veut de ne pas être rancunier de l'accident. Nous étions inséparables. Il me manque, comme sa soeur. A vrai dire, c'est comme si j'avais mis sur "pause" cette partie là de ma vie. Comme quand on est petits, qu'on part deux mois en vacances et qu'on doit quitter ses amis. Le seul lien qu'on a, ce sont les lettres ; et il est sûr qu'on les retrouvera à son retour du bord de la mer. Et je crois que je m'attends à chaque seconde à les voir arriver d'un coin de rue, l'un comme l'autre... »